La rencontre secrète entre le ministre des affaires étrangère israélien au sein de la coalition Likoud-Travaillistes et le roi de Jordanie à lieu à Londres en présence de Yossi Beilin, directeur politique du ministère et Ephraïm Halevy, directeur adjoint du Mossad côté israélien. Le Premier ministre Ytzhak Shamir, persuadé que la rencontre n'aboutira à rien a donné son accord.

Les résolutions 232 et 338 sont réaffirmées comme base du règlement et des représentants palestiniens sont prévus au sein d'une délégation jordano-palestinienne1. A cet égard, en mai 1987, après une série de réunions secrètes avec le Roi Hussein, Shimon Pérès affirme qu'un progrès significatif a été réalisé concernant la question de la représentation palestinienne dans une conférence de paix et affirme avoir le consentement de l'Égypte, de la Jordanie et des États-Unis pour convier une conférence internationale incluant les cinq membres permanents du conseil de sécurité des Nations unies et une délégation de Palestiniens (sans doute pas des membres de l'OLP ) rejetant le terrorisme et la violence et acceptant les résolutions 242 et 338, comme base de négociation.

Mais l'initiative de règlement Pérès-Hussein fut bloquée par le refus du Premier ministre isrélien membre du Likoud Ytzhak Shamir, radicalement opposé à toute forme de conférence internationale, de suivre son ministre des Affaires étrangères. Il notait que les vues de Shimon Pérès ne représentaient pas le consensus au sein de la coalition gouvernementale : Les Travaillistes n'y formaient qu'un parti parmi d'autres. En utilisant le veto du Likoud, il bloqua l'initiative de Pérès, qui est rejetée lors de la cession du Cabinet restreint israélien du 13 mai 1987. « Tant qu'il [serait] Premier ministre, il n'y [aurait ] pas de conférence internationale » déclara Shamir à la Knesseth. 2

Pérès n'avait pas transmis le document au chef du gouvernement Shamir, ce qui en dit long sur leurs relations et la chances de réussite d'un accord conclu dans de tels conditions. Selon Michel Bar-Zohar, à l'issue du conseil du 13 mai, Pérès aurait dit à Shamir

Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi.3

Pressé par ses amis de démissionner, Pérès refuse, arguant que l'accord avec Hussein devait rester secret et que sa démission le ferait paraître au grand jour. Mais pour Bar-Zohar, Hussein est en fait déçu de l'attitude de Pérès et les relations se refroidissent entre les deux hommes.

Face à cela, l’échec de l’accord a marqué un tournant : quelques mois après le rendez-vous raté du document de Londres, la première Intifada éclate en décembre 1987. Le roi Hussein a pris la décision de retirer la Jordanie de Cisjordanie en 1988, laissant les Palestiniens négocier leur propre paix.

Pour sa part, Pérès a clairement identifié une opportunité ratée : “On aurait pu nous épargner à nous et aux Palestiniens six années d’Intifada et la perte de tant de vies humaines, si l’ancien chef du gouvernement dirigé par le Likoud n’avait pas saboté l’accord sur lequel j’avais travaillé aux côtés du roi Hussein de Jordanie”, a-t-il écrit en 1993.4

Pour le professeur Eli Podeh qui étudie les facteurs permettant de caractériser les occasions manquées dans le conflit israélo- Arabe,

 avec la sagesse du temps qui a passé, il est clair que le document de Londres était la dernière tentative visant à faire renaître l’option jordanienne en ce qui concerne la solution du problème palestinien en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

Mais 5

 Pérès en tant que ministre, ne représentait pas le Premier ministre Shamir et autres membres du Likoud au gouvernement. En d’autres termes, Pérès n’avait aucun mandat pour s’accorder sur une conférence internationale. » Du côté jordanien, tandis que Hussein était manifestement le gouvernant jordanien légitime, « il ne bénéficiait pas d’un mandat arabe lui permettant de représenter les Palestiniens ».

De plus,

 alors que le Royaume Uni était clairement et pleinement investi, les Etats-Unis n’étaient pas totalement engagés dans le processus.

1 A cette date, la Jordanie considère toujours que la Cisjordanie occupée lui appartient depuis l'annexion de 1949

2 Vincent Legrand : Prise de décision en politique étrangère et géopolitique : Le triangle Jordanie – Palestine – Israël et la décision jordanienne de désengagement de la Cisjordanie (1988). CECRI - Centre d'étude de crises et des conflits internationaux

3 Shimon Pérès et l'histoire secrète d'Israël, Michel Bar-Zohar, Editions Odile Jacob

4 Amanda Borchel-Dan in The Time of Israël, 21 janvier 2017

5 Podeh, Chances of Peace

 

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