Dans l'histoire contemporaine, le sionisme suscite des passions pour ou contre qui tendent à obscurcir le phénomène ; notre propos est d'analyser ce dernier avec le plus de clairvoyance possible.

 Et d'abord, à suivre l'histoire générale des juifs, depuis ia plus lointaine antiquité, il semble que malgré les persécutions, les dangers, il y ait toujours eu des mouvements de retour des juifs vers l'antique Judée.

Ce sionisme constant suscite des sympathies jusque dans les milieux non— juifs : ainsi, le juriste et le théologien W. Blackstone écrit : "les juifs n'ont jamais cessé de posséder la Palestine (parce qu'ils n'ont jamais, de leur plein gré, abandonné ce pays, ils ne signèrent ni traité, ni capitulation mais succombèrent dans un combat désespéré devant la puissance romaine . . . Depuis lors, n'ayant ni souverain, ni. représentation politique, ils réclament la possession de leur patrie par leurs écrits, leur foi et leurs prières ... La violence par laquelle Israel fut maintenu hors de son pays, sans moyen d'appel, est l'équivalent d'un conflit continuel ...Aucune instance ne saurait s'élever contre cet appel jusqu'à ce qu'il ait eu l'occasion de présenter sa demande devant la seule autorité compétente, une conférence internationale". (1)


Cependant, au XIXe siècle, les juifs ont-ils des raisons particulières de vivifier ou de rejeter l'antique idée sioniste ?


Pour les juifs de plusieurs pays d'Europe, le XIXe siècle est l'ère de l'émancipation. Peu à peu l'égalité civique leur est accordée : en France, en 1791 ; en Hollande en 1796 ; au Danemark en 1849 ; en Bulgarie en 1879.


En Allemagne, leur situation varie souvent ; en Italie, tandis que les états pontificaux pratiquent encore parfois les baptêmes forcés, le Piémont, champion du Risorgimento, est favorable à leur émancipation.


Tandis que le mouvement d'émancipation s'amplifie, les juifs prennent une part de plus en :plus active à la vie sociale et culturelle des contrées., dans lesquelles Ils-. évoluent.


Or, paradoxalement, c'est au XIXe siècle que 1' antijudaisme religieux de type médiéval se mue en antisémitisme. Il est d'ailleurs significatif de noter que le terme même d' "antisémitisme" a été forgé précisément au XIXe siècle. Deux mythes principaux caractérisent ce nouvel avatar d'une judéophobie qui s'est manifestée depuis les temps bibliques.


Au mythe religieux du juif— déicide se substitue celui du juif capitaliste, avide d'argent. S'il est vrai qu'il se fonde quelques lignées de grands banquiers juifs tels les Rothschild ou les Hirsch,les juifs ne sont pas du tout les seuls à se lancer dans le monde de la finance. En Autriche par exemple, 13 princes, 65 ducs, 29 barons et 21 autres nobles d'origine chrétienne font fortune dans des entreprises de type "capitaliste".

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Source :  Tebeka Evelyne. Le Sionisme de 1881 à 1897 : origines et évolution. In: Cahiers de la Méditerranée, n°1, 1, 1970. pp. 93-103;
doi : https://doi.org/10.3406/camed.1970.1321 https://www.persee.fr/doc/camed_0395-9317_1970_num_1_1_1321

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