Manuel Durand-Barthez

Judéité galicienne : la situation à Lemberg à la fin de l’empire des Habsbourg

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synagogue Temple de Lemberg
 
 

Dès la fin du XVIIIe siècle prévalut dans l’élite juive allemande mouvement de la Haskala (Lumières) sous l’influence de Moses Mendelssohn, originaire de Dessau (1729-1786), traducteur du Pentateuque en allemand. Ce mouvement se déplaça progressivement vers l’Est au sein d’une communauté à laquelle s’appliquait l’étiquette de Daytschen.

 

Ceux-ci constituaient en Galicie le groupe des Maskilim (de l’hébreu Maskil : Aufklärer ; pluriel Maskilim) qui, dès le début du XIXe siècle sont tournés vers les Habsbourg et Vienne. Le gouvernement autrichien soutient ceux qu’il considère comme de bons vecteurs de la germanisation du territoire galicien. Celle-ci empreint même la religion comme l’illustre la construction du « Temple » en 1846 à Lemberg, synagogue réformiste encore appelée « Deutsch Jüdisches Betthaus », dont le premier rabbin, Abraham Kohn, fut assassiné à l’instigation des Juifs orthodoxes en 1848. C’est là un exemple frappant de la division intracommunautaire.

 

Les Maskilim atteignirent leur apogée au début des années 1860. Outre leur orientation progressiste, ils se distinguaient par une très grande culture juive et leur désir de promouvoir la renaissance de la langue hébraïque.

 

Comme leurs prédécesseurs allemands, les Maskilim galiciens appartiennent à l’élite juive dont les pouvoirs sont renforcés par diverses mesures administratives entre 1860 et 1867.

Déjà, en novembre 1859, la réglementation du travail spécifique aux Juifs était assouplie dans le sens de la collaboration autorisée entre Juifs et Chrétiens, tandis que le mois suivant, une loi générale sur l’économie levait les obstacles relatifs à l’installation des commerces juifs, supprimant du même coup la quasi obligation du retranchement dans les ghettos. La loi organique du 21 décembre 1867 supprimait définitivement les Wohnbeschränkungen (restrictions en matière de résidence) à l’égard des Juifs, tant à Lemberg qu’à Cracovie. Ces mesures, toutefois, concernaient la classe moyenne.

 

Mais l’élite profita, dès février 1860, d’une loi autorisant l’acquisition de biens immobiliers. La teneur des débats qui, au Landstag de Lemberg, ont permis le vote de cette loi, fait songer à l’attitude progressiste de la Haskala : l’élite juive avait mené de longues discussions sur la nécessité, de la part des candidats à la propriété, d’entretenir une apparence dépourvue des caractères de la Tradition, sur le plan vestimentaire notamment (abandon du caftan), de faire preuve d’une bonne éducation et de pratiquer correctement la langue d’usage. Ajoutons qu’en 1863, les Juifs peuvent acquérir des études notariales et accéder, en 1867, à la magistrature.

 

Notons par ailleurs que rares étaient les propriétaires fonciers juifs ; certains purent parfois transiger avec des familles nobles, en Galicie orientale particulièrement, dès la fin du XVIIIe siècle. L’ensemble des mesures émanant du pouvoir viennois, confortait la relation de la classe israélite aisée avec les Habsbourg. Ses membres les plus influents fondèrent en 1868 la Société Shomer Yisrael (les Gardiens d’Israël) dont l’évolution jusqu’à la fin du siècle est emblématique des courants contradictoires qui ont traversé la communauté en Galicie orientale.  Les objectifs visés par la Société consistent en l’égalité des droits pour les Juifs, la modernisation de la société juive galicienne, la loyauté envers les Habsbourg et l’attachement à la culture allemande.  En dépit de liens indéniables avec les Habsbourg, Shomer Yisrael ne suivait plus les Maskilim sur deux points : le caractère vital de la judéité et la connaissance approfondie de ses fondements, d’une part, le renouveau de la culture hébraïque d’autre part. Une caricature de l’attitude opposée qui caractérisait Shomer Yisrael, apparaissait dans deux témoignages relatés par des Sionistes, hostiles par nature à l’assimilationnisme de la Société ...

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