Le quartier de la colonie Allemande est traversé par l'avenue Emek Refaïm, ses cafés et ses restaurants, près de l'ancienne première gare (Te'Hana Harichona)
L'idée qu'il y ait eu une colonie allemande à Jérusalem n'est pas forcément celle qui vient le plus vite à l'esprit. Elle date pourtant du deuxième tiers du XIXe siècle. L'existence de cette colonie est due à l'installation d'une secte piétiste et millénariste du nom des Templiers, sans aucun rapport avec les anciens chevaliers du Temple. Il s'agit pour ces immigrés allemands de venir "s'installer au pays du Christ" 1
"L'immigration allemande en Palestine date de 1868. L'origine de ce mouvement est religieuse. A cette époque Christoph Hoffmann, ... prêchait déjà en Wurtemberg, depuis un certain temps, une nouvelle réforme du christianisme... il abolissait la communion, engageait les hommes à agir chrétiennement plutôt qu'à prier, parce que les formules de prières sont vides; et pour lui, agir chrétiennement, c'était travailler de ses mains, dans la simplicité de la nature, aussi près que possible du temple de Jérusalem, où Jésus allait bientôt apparaitre : car le dernier jugement est proche.
Telles étaient, au début, les doctrines de la secte des Templiers allemands. Elles se sont depuis profondément modifiées. La plupart des ses adeptes paraissent aujourd'hui, sinon nier, du moins se soucier assez peu du moment suprême qu'ils sont venus attendre en Palestine. Les uns ont tourné au pur déisme, les autres se rapprochent insensiblement du luthéranisme; un petit nombre, parait-il, ne croit plus à la divinité du Christ, au sens où l'entendent à la fois catholiques et luthériens. Mais ce qui a continué à caractériser leurs petits groupements, ce sont des fortes convictions morales, l'obéissance des règles de conduites tirées de l'Évangile.
Les disciples de Christoph Hoffmann se composèrent surtout primitivement, de Wurtembergeois des classes inférieures. Il y avait quelques demi-bourgeois et des ouvriers, mais la grande majorité étaient des paysans. Ils ont formé des espèces de noyaux auxquels est venu adhérer ensuite une pulpe d'Allemands non Templiers.
Christophe Hoffmann s'est installé à Haïfa où 500 Allemands sont venus à sa suite. En 1869-1870, il s'établit à Jaffa, sur des terrains abandonnés par une société protestante anglo-américaine. Le groupe essaime et créé une autre colonie à Sarona à 4 km de Jaffa. Hoffmann s'installe alors définitivement à Jérusalem. "Il était le chef spirituel et temporel de la secte".
En 1889, Jérusalem compte 500 Allemands dont 300 templiers sur les 1500 Allemands venus habiter la Palestine. La colonie Allemande scolarise à cette date 30 élèves seulement.
Christoph Hoffman a fait renoncer ses disciples à la nationalité allemande, pour vivre "sans lois, selon l'Évangile, l'équité et leur conscience". Il recommande de "vivre de façon modeste en travaillant de ses mains. Ses fidèles sont des laboureurs et des vignerons, ou bien des artisans : charrons, serruriers, boulangers. Avant la construction du chemin de fer, ils avaient organisé des entreprises de transport sur Jérusalem...Moralement et matériellement ils sont parvenus, de l'aveu de tout le monde, à un niveau très supérieur à celui où sont restés leurs compatriotes Wurtembergeois de la même classe sociale."
L'existence de cette colonie prospère permet au gouvernement de Berlin de dire qu'il a maintenant en Palestine des intérêts nationaux à défendre, et l'on prête à l'Empereur d'Allemagne, qui a publiquement, à Jaffa "félicité les colons de leurs efforts", et promis "que ces efforts n'auraient pas été faits en vain", l'intention d'obtenir du Sultan d'importantes concessions de terres, où viendraient se fixer des nouveaux essaims.
La colonie s'étend sur des terrains achetés par le Templier Matthaus Frank en 1873, dans la vallée des géants "Emek Refaïm". Cette bande de terre correspond actuellement l'espace situé entre l'avenue Emek Refaïm et la route de Bethléem. Leurs constructions restent liées à l'origine et la culture de nouveaux arrivants. Leurs maisons d'un ou deux étages sont ainsi recouvertes d'un toit de tuiles en pentes et de fenêtres à volet, même si les murs extérieurs sont montés en pierre de Jérusalem.
Neuf ans après la parution de l'article précité, en 1898, l'Empereur Guillaume II demande au sultan d'abattre un pan de la muraille à coté de la porte de Jaffa. Il peut ainsi entrer à cheval dans la vieille ville pour aller inaugurer l'église luthérienne du saint rédempteur de Jérusalem, unique église luthérienne de la ville, le 31 octobre. L'inauguration a lieu à la date anniversaire (31 octobre 1517) de l'affichage par Luther, sur le portail de l'église de Wurtemberg, de ses 95 thèses. Celles-ci contestant le commerce des indulgences et la dérive de l'église, marquent le début du mouvement protestant, qui entend revenir aux écritures et rien d'autres.
La colonie Allemande qui a donné son nom à ce quartier a été expulsée par les Anglais au début de la seconde guerre mondiale. Elle était un peu trop enthousiaste quant aux réalisations d'un certain Hitler. Un nombre important de ses membres avaient rejoint le NSDAP, le parti nazi. La Palestine était alors sous mandat britannique. On a d'ailleurs retrouvé jusqu'en 1978 des drapeaux et insignes nazis dans le grenier d'une maison du quartier2.
Le quartier a ensuite été habité par des familles arabes aisées. Il s'est embelli, s'est transformé architecturalement. On y trouve ainsi maintenant des jolies maisons bourgeoises de style ottoman. Suite à la guerre d'indépendance, les arabes sont partis et la population a de nouveau changé.
C'est maintenant un quartier chic et animé de Jérusalem. Il est coiffé en haut par lapremière station, la Te'hana Harichona, lieu de vie, de shopping installé sur l'ancienne gare. A côté, il y a l'église écossaise. En descendant on peut soit prendre l'avenue Emek Refaïm , qui abrite cafés, épiceries fines et restaurants, soit la coulée verte qui a remplacé l'ancienne voie de chemin de fer.
L'ancien cinéma Orient est devenu le Lev Smadar, un cinéma (et restaurant) d'art et d'essais passant notamment des films francophones.