Abdelaziz Bouteflika,

 

Lettre aux Algériens

 

 Au pouvoir depuis 1999 en Algérie, Abdelaziz Bouteflika entend se représenter à l'élection présidentielle en 2019 pour entamer un cinquième mandat. Agé de 86 ans, Le président a été victime d'un AVC en 2013. Depuis  il n'est quasiment plus apparu en public. Des manifestations éclatent alors en Algérie à  partir du 22 février. Bouteflika s'adresse au peuple en trois lettres. Il y annonce notamment suspendre l'élection présidentielle. Mais après un mois et demi de contestations, il remet le 2 avril  sa démission,  avant le terme de son mandat prévu pour le 28 avril

 

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Première lettre

Me présenter à l'élection présidentielle...pour ne pas vous décevoir

 

"Mesdames et messieurs, A présent que vous savez que je me suis porté candidat à la prochaine élection présidentielle, je me dois de vous faire part de toutes les raisons objectives et subjectives qui m'ont conduit à demander, de nouveau, votre précieuse confiance.

Nul n'ignore que pendant la majeure partie de ma vie, je n'ai eu d'autre but que celui de servir, corps et âme, mon pays l'Algérie.

J'ai fait de sa cause le but de ma vie et de ma mort et ma seule et unique raison d'être. Je l'ai vu pâtir des affres de l’odieuse occupation coloniale, je l'ai vu résister, je l'ai vu rechercher les voies du salut, je l'ai vu rassembler ses maigres forces et son immense détermination pour engager son combat libérateur et arracher, enfin, son éclatante victoire, au prix du plus lourd tribut. Je suis fier d'avoir consenti à contribuer de mon sang, voire de ma vie, à ce combat, mais le sort a décidé que je survive et bénéficie de l'insigne honneur de poursuivre mon parcours au service de mon pays définitivement affranchi du joug colonial.

Depuis, je n'ai cessé de voir l'Algérie progressivement se développer et s'épanouir. Je l'ai vue se métamorphoser et avancer d'un pas assuré vers la place qui lui revient dans le concert des nations. J'ai partagé ses bonheurs et ses succès comme j'ai partagé ses souffrances et ses échecs. Ma longue carrière à son service m'a permis d'accumuler une expérience que je ne pus refuser de mettre à sa disposition, à la tête de l'Etat, depuis 1999 à ce jour.

Je peux me permettre d'être légitimement fier d'avoir eu la faveur divine de contribuer à l’arrêt de l'effusion du sang des Algériens, à la promulgation et à la mise en œuvre de la loi relative à la Concorde civile, suivie de la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale.

Ces accomplissements ne pouvaient se réaliser sans la volonté agissante du peuple algérien tout entier qui a approuvé et soutenu ce programme salutaire de restauration de la cohésion nationale et de la stabilité du pays.

Grâce au retour de la paix et au règlement de la dette extérieure sou laquelle ployait notre peuple jusqu'à rompre dans d'indicibles souffrances, il a été possible de lancer et réaliser des plans de développement multisectoriels à travers l'ensemble du territoire national. Cela a permis au plus grand nombre de citoyens de jouir de meilleures conditions de vie qu'auparavant.

Les réformes de tous ordres ont, pour leur part, contribué à assurer à notre pays les conditions de nature à renforcer les assises d'une démocratie pluraliste réelle, et d'une plus grande justice sociale à travers une répartition équitable des fruits du développement, la création d'emplois pour la jeunesse, la réalisation de programmes de logements au profit des familles ayant longtemps pâti de l'habitat précaire, le développement considérable des infrastructures hospitalières et le renforcement des secteurs de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur.

En retrouvant sa place légitime dans le concert des nations, notre pays est parvenu à renforcer et diversifier ses relations internationales et a contribué, dans la mesure de ses possibilités, à la consolidation de la paix et de la sécurité dans le monde.

Mesdames et Messieurs,

Les bilans de mes mandats présidentiels successifs ont, à chaque fois, corroboré le bien-fondé des suffrages de confiance dont les Algériennes et les Algériens m'ont, dans leur majorité, honoré, mais ils n'autorisent nullement l'autosatisfaction. Il reste tant et tant à faire pour assurer à l'ensemble des catégories sociales de notre pays leur emploi, leur sécurité, leur environnement, leur santé et l'avenir de leurs enfants. La marche largement entamée vers le progrès n'aboutira qu'au prix d'effort accrus, soutenus et consciencieusement consentis par toute la nation solidaire et unie.

Une autre Algérie est née, elle se développera et prospèrera davantage si le cours de sa marche ne vient pas à être interrompu, si ses forces vives s'engagent à y investir, avec détermination et persévérance, une citoyenneté loyalement exercée, des compétences mieux affectées, une générosité sincèrement assumée, une vigilance, une volonté profonde de mieux faire et le désir agissant d'atteindre les sommets. Le changement que notre société a appelé de ses voeux sous ma conduite est en marche. Le processus de réforme en cours, une fois parvenu à son terme, en fera une réalité, lui donnera pleinement son sens, le consolidera par une plus grande harmonie institutionnelle, une cohérence accrue de l'action publique et l'édiction de nouvelles priorités bien ordonnées, rompant avec les pratiques qui se sont avérées inopérantes.

Mesdames et Messieurs,

Vous êtes nombreux à vouloir que je continue à conduire l’œuvre de redressement national qui a permis d'importantes avancées depuis que j'ai pris en charge les destinées de notre pays, en 1999. Les difficultés liées à ma santé physique actuelle ne semblent pas me disqualifier à vos yeux ou plaider en faveur de ma décharge des lourdes responsabilités qui ont eu raison d'une bonne partie de mes capacités. Vous tenez à ce que je voue mes dernières forces au parachèvement de la réalisation du programme pour lequel vous m'avez, à chaque fois, donné mandat.

C'est avec une grande émotion et un lourd sentiment de responsabilité que j'ai reçu les appels qui m'ont été adressés par les citoyennes et les citoyens, la société civile, les formations politiques, les organisations syndicales et les organisations de masse, m'exhortant à me porter candidat à la prochaine élection présidentielle.

Animé que j'ai toujours été du respect du peuple algérien qui m'a accordé l'honneur et le privilège de le servir pendant trois mandat, je suis en devoir de répondre positivement, car je ne me suis jamais, ma vie durant, dérobé à aucun devoir au service de ma patrie.

Il me coûterait de rester sourd à vos appels. Aussi, ai-je décidé, pour ne point vous décevoir, de me porter candidat à l'élection présidentielle du 17 avril 2014 et de mettre toute mon énergie au service de la concrétisation de vos voeux.

Dans le contexte géopolitique qui entour notre pays, je n'ai d'autre ambition que celle de le préserver des nuisances et des menaces qui peuvent compromettre le parachèvement de son développement global. Je le ferai avec toute la force de ma piété patriotique et de ma fidélité aux valeurs et aux idéaux de la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954.

Mesdames et Messieurs,

Je me propose de consacrer le nouveau mandat que vous me demandez d'assumer à la préservation de notre pays des effets des hostilités internes et externes avérées et potentielles de toutes natures et à l'apaisement de notre société qui a besoin de voir rassemblées ses énergies pour la réalisation de nouvelles conquêtes, loin des rivalités stériles et des déchirements ravageurs. Les divisions suscitées et entretenues constituent un moyen d'affaiblir notre pays face à l'urgence des défis et à la complexité des enjeux. Notre société n'a que faire des idéologies passéistes et antinomiques avec le progrès.

J'attends que chacun de vous apporte sa part dans la mutation que nous avons à opérer ensemble au prix d'efforts équitablement répartie. Aux égoïsmes de tous genres qui corrodent les liens du vivre ensemble, nous opposerons un projet de société basée sur la mutualisation et le partage. Le meilleur atout pour réussir le changement, c'est la rupture avec la tare de l'insatiabilité matérielle, c'est la franche mobilisation collective pour gagner, au profit de notre pays, tous les motifs de sa fierté légitime aux yeux du monde.

Tout en acceptant de répondre à cet honneur qui m'est fait, je suis déterminé à créer les conditions de la consolidation du développement économique et social et d'un renouveau politique consensuel avec l'ensemble des acteurs politiques, pour que chaque algérien sente et perçoive, dans son quotidien, que la vie démocratique de la Nation est réelle et palpable, avec la consécration des droits de l'homme dans toutes les sphères d'activités, avec la prépondérance accordée aux équilibres des pouvoirs pour permettre aux différentes institutions d'agir en permanence dans le respect de l'Etat de droit.

Les efforts déployés, jusque-là, doivent, avec la contribution de tous les acteurs politiques nationaux, permettre de bâtir un édifice institutionnel renouvelé, adapté aux attentes de l'Algérie d'aujourd'hui.

Je m'engage de nouveau, au service de la patrie, conscient des responsabilités que cette charge publique implique, car j'ai la conviction que l'expérience des affaires de l'Etat, que j'ai eu la chance d'avoir acquise, doit être mise au service de l'Algérie.

Si le peuple Algérien souverain m'accorde, de nouveau, sa confiance, je m'engage à créer les conditions politiques et institutionnelles, avec l'ensemble des acteurs représentant les différents segments de la société, permettant l'édification d'un modèle de gouvernance répondant aux attentes et espérances de notre peuple.

Elle se concrétisera dans une révision de la Constitution qui sera menée dans le courant de cette année

Cette démarche répondra aux aspirations de la jeunesse à prendre le relais, dans un environnement marqué par la stabilité, la justice sociale, l'équité et le respect dû à chaque citoyenne et citoyen de notre Algérie.

Mesdames et Messieurs,

L'élection présidentielle prochaine, de part le choix judicieusement réfléchi que vous ferez librement, va être le point de départ d'une dynamique de changement vers une société nouvelle indemne de toute les pratiques et comportements nuisibles.
Ma candidature que vous avez réclamée s'inscrira exclusivement dans le sens de l'intérêt général.
Elle se situera à l'opposé des rivalités personnelles ou partisanes, elle se veut un acte d'abnégation renouvelé au service de tous les Algériens, sans discrimination aucune.

Je ne suis animé que de la seule volonté de conduire l'effort collectif de tous les Algériennes et Algériens dans la poursuite de l'immense chantier de construction de l'Algérie nouvelle résolument tournée vers un avenir radieux.

Pour faire face aux exigences de ce chantier, je sollicite le soutien de toutes celles et de tous ceux qui n'acceptent pas que notre pays ne puisse pas encore prendre son plein essor vers le progrès et la prospérité. J'en appelle à celles et ceux qui savent qu'on ne peut plus s'exonérer de l'obligation de mettre la rigueur et le sérieux dans tout ce que nous entreprenons. J'en appelle à celle et à ceux qui refusent de s'abandonner à l'impéritie et à la paresse.

Mesdames et Messieurs,

A à la veille de l'important rendez-vous du 17 avril prochain, je laisse à chaque Algérienne et chaque Algérien le soin d'évaluer en toute âme et conscience, le chemin parcouru et les acquis enregistrés.

Mon vœu est que la compétition électorale entre les candidats se déroule de manière loyale et sereine, à travers un débat d'idées et une confrontation de programme qui permettront aux électeurs de bien choisir.

J'appelle les Algériennes et les Algériens à accorder à cet événement toute l'importance qu'il mérite, car la décision leur revient en premier et dernier ressorts et il s'agit d'une décision qui engage leur avenir, celui de leurs enfants et celui du pays tout entier.

J'ai grand espoir que la prochaine élection présidentielle soit une preuve éclatante par laquelle les enfants de ce pays feront leur choix, l'exprimeront avec la même détermination, le même engagement et le même esprit qui ont déterminé les Algériennes et les Algériens, en juillet 1962, à investir massivement les bureaux de vote pour exercer leur droit à l'autodétermination, et affirmeront, ce faisant, que le moment est, aujourd'hui aussi, un moment décisif.
Je suis convaincu que, grâce à leur maturité et à leur clairvoyance, les électrices et les électeurs sauront discerner les vraies des fausses promesses, le vrai du faux dévouement, l'engagement concrètement prouvé au service de la patrie de la gesticulation de façade tendant à leurrer le peuple qui, en définitive, choisira souverainement le président et le programme qui lui conviennent.
Rassemblons-nous, mobilisons-nous pour changer, toujours en mieux, notre présent et construire notre avenir et celui de nos générations futures.

Ensemble, décidons du pays que nous voulons, le pays où il fera bon vivre. Ensemble, bâtissons le pays rêvé par les glorieux martyrs de la Révolution de Novembre. Ensemble, bâtissons l'Algérie nouvelle.

En ce moment où nous célébrons la Fête de la victoire, je ne conclurai pas mon propos sans saluer la mémoire de nos valeureux martyrs ainsi que celle de tous ceux qui ont, depuis le Jour de la victoire, sacrifié leurs vies pour la Patrie. Je prie Dieu Le Miséricordieux de leur accorder à tous la meilleure récompense.

Gloire à nos valeureux martyrs!


Vive l'Algérie!"

 

 

Deuxième lettre, lue au conseil constitutionnel

J'ai entendu..

 

Suite aux manifestations, Bouteflika réagit et écrit une deuxième lettre (4 mars 2019)

 

Au nom de Dieu Clément et Miséricordieux

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Il y a quelques jours et en réponse aux sollicitations des citoyens, de la classe politique et de la société civile, dans un esprit d’accomplissement d’un devoir ultime au service de notre pays et de notre peuple, j’ai annoncé ma candidature à l’élection présidentielle du mois d’avril prochain.

Des millions de citoyens ont bien voulu m’apporter leur soutien, en contribuant activement à la campagne de collecte des signatures et en m’octroyant leur parrainage.

Servir mon pays est le plus grand honneur qui m’ait été fait tout au long de ma vie.

Je tiens, tout d’abord, à saluer, à cette occasion, le civisme qui a caractérisé les récentes marches populaires. Je salue également le comportement professionnel exemplaire des différents corps de sécurité. Je salue aussi l’attitude de tous nos concitoyens qui ont réservé l’expression de leur opinion pour le jour du scrutin à travers les urnes. Je tiens enfin à saluer l’Armée Nationale Populaire pour sa mobilisation en toutes circonstances dans l’accomplissement de ses missions  constitutionnelles.

Je suis à l’écoute de toutes les opinions qui s’expriment dans notre société.

Je fais le serment que je ne laisserai aucune force, politique ou économique, détourner le destin et les richesses de notre nation au profit d’intérêts personnels ou de groupes occultes.

 

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

L’Algérie a besoin de poursuivre sa marche vers la démocratie, le progrès et la prospérité sans rompre les processus d’accumulation de ses acquis. Pour ce faire, elle a besoin d’un sursaut de toutes les forces politiques, économiques et sociales et de toutes les catégories de la population, en vue de se donner une nouvelle ambition.

 

J’ai écouté et entendu le cri du cœur des manifestants et en particulier des milliers de jeunes qui m’ont interpellé sur l’avenir de notre patrie.

Ces jeunes dont beaucoup ont l’âge porteur de dignité et de générosité que j’avais au moment où j’ai rejoint les rangs de la glorieuse Armée de libération nationale, ont exprimé une inquiétude compréhensible face aux incertitudes qui les animent.

J’ai le devoir et la volonté d’apaiser les cœurs et les esprits de mes compatriotes.

Je le fais aujourd’hui en tant que Moudjahid fidèle à la mémoire de nos valeureux martyrs et au serment de tous les compagnons de notre épopée libératrice qui sont encore en vie.

Je le fais également en tant que Président de la République pleinement respectueux de la volonté populaire qui m’a accordé l’insigne privilège de me porter à la magistrature suprême.

Je le fais enfin en qualité de candidat à la prochaine élection présidentielle, avec conviction.

Je suis déterminé, si Dieu le Tout Puissant m’en donne la possibilité, et si le peuple algérien me renouvelle sa confiance, à assumer la responsabilité historique de la concrétisation de leur exigence fondamentale, c’est-à-dire le changement du système.

Dans cet esprit, je prends solennellement devant Dieu, et devant le peuple algérien, les engagements suivants :

 

Premièrement : La tenue, juste après l’élection présidentielle, d’une conférence nationale inclusive et indépendante pour débattre, élaborer et adopter des réformes politiques, institutionnelles, économiques et sociales, devant constituer le socle du nouveau système rénovateur de l’Etat national algérien en harmonie avec les aspirations de notre peuple.

Deuxièmement : L’élaboration et l’adoption par référendum populaire d’une nouvelle constitution qui consacrera la naissance de la Nouvelle République et du nouveau système algériens.

Troisièmement : La mise en œuvre rapide de politiques publiques garantissant une redistribution des richesses nationales plus juste et plus équitable et l’élimination de la marginalisation et de l’exclusion sociales, y compris le phénomène de la Harga, ainsi qu’une mobilisation nationale effective contre toutes les formes de corruption.

Quatrièmement : La prise de mesures concrètes pour faire de tous nos jeunes des acteurs et des bénéficiaires prioritaires dans la vie publique à tous les niveaux et dans toutes les sphères du développement économique et social.

Cinquièmement : La révision de la loi électorale avec notamment la création d’un mécanisme indépendant d’organisation des élections qui aura la responsabilité exclusive de l’organisation des élections.

Sixièmement : L’organisation d’une élection présidentielle anticipée conformément au calendrier arrêté par la conférence nationale indépendante. Je m’engage à ne pas être candidat à cette élection qui assurera ma succession dans des conditions incontestables de sérénité, de liberté et de transparence. La date de cette élection présidentielle anticipée sera fixée par la conférence nationale.

 

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Les engagements que je viens de prendre devant vous nous mèneront naturellement à une transmission générationnelle dans une Algérie réconciliée avec elle-même.

Je vous invite instamment à écrire ensemble une nouvelle page de notre histoire en faisant de l’échéance électorale du 18 avril prochain l’acte de naissance d’une nouvelle république algérienne  à laquelle le peuple algérien aspire.

 

 

Troisième lettre

Il n'y aura pas de cinquième mandat et il n'en a jamais été question pour moi ...et il n'y aura pas d'élection présidentielle le 18 avril

 

 

Chères concitoyennes,

Chers concitoyens,

 

L’Algérie traverse une étape sensible de son Histoire.

Ce 8 mars, pour le troisième vendredi consécutif, d’importantes marches populaires ont eu lieu à travers le pays. J’ai suivi ces développements et, comme je vous l’ai déjà annoncé le 3 de ce mois, je comprends les motivations des nombreux compatriotes qui ont choisi ce mode d’expression dont je tiens, une fois de plus, à saluer le caractère pacifique.

Je comprends tout particulièrement le message porté par les jeunes en termes, à la fois, d’angoisse et d’ambition pour leur avenir propre et pour celui du pays.

Je comprends aussi le décalage qui a pu être source de préoccupation entre, d’un côté, la tenue de l’élection présidentielle à une date techniquement appropriée en tant que jalon de gouvernance dans la vie institutionnelle et politique et, de l’autre, l’ouverture, sans délai indu, du vaste chantier, politiquement hautement prioritaire, de conception et de conduite de réformes profondes dans les domaines politique, institutionnel, économique et social, avec la participation la plus large possible et la plus représentative de la société algérienne, y compris la juste part devant revenir aux femmes et aux jeunes.

Je comprends enfin que le projet rénovateur de notre Etat-nation, dont je vous ai annoncé les principales articulations, gagnerait à bénéficier d’un surcroit de clarifications et être préparé, pour chasser tout doute des esprits, par la réunion des conditions de son appropriation par toutes les couches sociales et les composantes de la Nation algérienne.

En toute fidélité au serment que j’ai fait devant le peuple algérien de protéger et de promouvoir en toutes circonstances les intérêts bien compris de notre Patrie, et après les consultations institutionnelles requises par la Constitution, j’invoque la grâce et le soutien de Dieu Tout-Puissant pour me prévaloir des valeurs supérieures de notre peuple dont nos glorieux martyrs et nos valeureux moudjahidine ont consacré l’immortalité pour présenter à l’adresse de vos cœurs et à vos consciences les décisions suivantes:

 

Premièrement : Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République en tant que cadre du nouveau système algérien que nous appelons de tous nos vœux.

Cette nouvelle République et ce nouveau système seront entre les mains des nouvelles générations d’Algériennes et d’Algériens qui seront tout naturellement les principaux acteurs et bénéficiaires de la vie publique et du développement durable dans l’Algérie de demain.

 

Deuxièmement : Il n’y aura pas d’élection présidentielle le 18 avril prochain.

Il s’agit ainsi de satisfaire une demande pressante que vous avez été nombreux à m’adresser dans votre souci de lever tout malentendu quant à l’opportunité et à l’irréversibilité de la transmission générationnelle à laquelle je me suis engagé.

Il s’agit aussi de faire prévaloir la noble finalité des dispositifs juridiques qui réside dans une saine régulation de la vie institutionnelle et dans l’harmonie des interactions socio-politiques, sur une observation rigide d’échéances pré-établies.

Le report de l’élection présidentielle qui a été réclamé vient donc pour apaiser les appréhensions qui ont été manifestées afin d’ouvrir la voie à la généralisation de la sérénité, de la quiétude et de la sécurité publique, dans l’objectif d’entreprendre ensemble les actions d’importance historique qui permettront de préparer le plus rapidement possible l’avènement d’une nouvelle ère en Algérie.

 

Troisièmement : Dans la perspective d’une mobilisation accrue des pouvoirs publics et du rehaussement de l’efficacité de l’action de l’Etat dans tous les domaines, j’ai décidé de procéder tout prochainement à des changements importants au sein du Gouvernement. Ces changements constitueront une réponse adéquate aux attentes dont vous m’avez saisi, ainsi qu’une illustration de ma réceptivité à l’exigence de reddition de comptes et d’évaluation rigoureuse dans l’exercice des responsabilités à tous les niveaux et dans tous les secteurs.

 

Quatrièmement : La Conférence nationale inclusive et indépendante sera une enceinte dotée de tous les pouvoirs nécessaires à la discussion, l’élaboration et l’adoption de tous types de réformes devant constituer le socle du nouveau système que porte le lancement du processus de transformation de notre Etat-nation, que j’estime être ma mission ultime en parachèvement de l’œuvre dont Dieu Tout-Puissant m’a accordé la capacité et pour laquelle le peuple algérien m’a donné l’opportunité.

 

Cette conférence sera équitablement représentative de la société algérienne comme des sensibilités qui la parcourent, organisera librement ses travaux, sous la direction d’une instance présidentielle plurielle, avec à sa tête un président qui sera une personnalité nationale indépendante, consensuelle et expérimentée.

La conférence doit s’efforcer de compléter son mandat avant la fin de l’année 2019.

 

Le projet de Constitution qui émanera de la Conférence sera soumis à un référendum populaire.

La Conférence nationale indépendante fixera souverainement la date de l’élection présidentielle à laquelle je ne serai en aucun cas candidat.

 

Cinquièmement : L’élection présidentielle qui aura lieu dans le prolongement de la conférence nationale inclusive et indépendante sera organisée sous l’autorité exclusive d’une commission électorale nationale indépendante dont le mandat, la composition et le mode de fonctionnement seront codifiés dans un texte législatif spécifique qui s’inspirera des expériences et des pratiques les mieux établies à l’échelle internationale.

La création d’une commission électorale nationale indépendante est décidée pour répondre à une revendication largement soutenue par les formations politiques algériennes ainsi qu’à une recommandation constante des missions d’observation électorale des Organisations internationales et régionales invitées et reçues par l’Algérie lors des consultations électorales nationales précédentes.

 

Sixièmement : Dans le but de contribuer de manière optimale à la tenue de l’élection présidentielle dans des conditions incontestables de liberté, de régularité et de transparence, il sera formé un Gouvernement de compétences nationales bénéficiant du soutien des composantes de la Conférence nationale.

Ce Gouvernement assumera la supervision des missions de l’administration publique et des services de sécurité et apportera sa pleine collaboration à la commission électorale nationale indépendante. Pour sa part, le Conseil constitutionnel assumera, en toute indépendance, les pouvoirs que lui confèrent la Constitution et la loi en matière d’élections présidentielles.

 

Septièmement : Je m’engage solennellement devant Dieu le Tout-Puissant et devant le peuple algérien à ne ménager aucun effort pour que les Institutions, structures, démembrements de l’Etat et collectivités locales se mobilisent pour concourir à la pleine réussite de ce plan de travail.

Je m’engage également à veiller à ce que toutes les Institutions constitutionnelles de la République poursuivent scrupuleusement l’accomplissement de leurs missions respectives et exercent leurs pouvoirs respectifs au service exclusif du peuple algérien et de la République. Je m’engage enfin, si Dieu m’accorde vie et assistance, à remettre les charges et les prérogatives de Président de la République au successeur que le peuple algérien aura librement élu.

 

Chères concitoyennes,

Chers concitoyens,

 

Voici la voie du salut que je vous invite à emprunter ensemble pour prémunir l’Algérie contre des épreuves, des déchirements et des déperditions d’énergies.

 Voici la voie d’un sursaut collectif pacifique pour permettre à l’Algérie de réaliser tout son potentiel dans une démocratie épanouie, digne des gloires de l’Histoire de notre Nation.

 Voici la voie dans laquelle je vous demande de me suivre et de m’aider.

 Gloire éternelle à nos vaillants martyrs.

 

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