Dans une déclaration le 18 Novembre, Mike Pompeo revient sur la politique de condamnation des implantations juives1 en Cisjordanie Judée-Samarie pratiquée par les États-Unis depuis 1978 :

« Les déclarations publiques américaines sur les activités de peuplement en Cisjordanie ont été incohérentes au fil des décennies. En 1978, l’administration Carter a catégoriquement conclu que la création de colonies de peuplement par Israël était incompatible avec le droit international.2 Cependant, en 1981, le président Reagan n’était pas d’accord avec cette conclusion et a déclaré qu’il ne croyait pas que les colonies de peuplement étaient par nature illégales.

 

 

Les administrations suivantes ont reconnu que les activités de peuplement non restreintes pouvaient constituer un obstacle à la paix, mais elles ont reconnu avec sagesse et prudence que le fait de rester fidèle à la loi ne favorisait pas la paix. Cependant, en décembre 2016, à la toute fin du gouvernement précédent, le secrétaire Kerry a changé des décennies de cette approche bipartisane prudente en réaffirmant publiquement la prétendue illégalité des colonies de peuplement3.

Après avoir soigneusement étudié tous les aspects du débat juridique, le gouvernement actuel est d’accord avec le président Reagan4. L’établissement de colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie n’est pas en soi incompatible avec le droit international.

Je tiens à souligner plusieurs considérations importantes.

Premièrement, nous reconnaissons que, comme les tribunaux israéliens, les conclusions juridiques relatives à des colonies individuelles doivent dépendre de l’évaluation de faits et de circonstances spécifiques sur le terrain. Par conséquent, le gouvernement des États-Unis n’exprime aucun point de vue sur le statut juridique d’un règlement individuel.

Le système juridique israélien offre la possibilité de contester l’activité de colonisation et d’évaluer les considérations humanitaires qui y sont liées. Les tribunaux israéliens ont confirmé la légalité de certaines activités de peuplement et ont conclu que d’autres ne pouvaient pas être maintenus légalement.

Deuxièmement, nous ne traitons ni ne préjugeons du statut ultime de la Cisjordanie5. Il appartient aux Israéliens et aux Palestiniens de négocier. Le droit international n’entraîne aucun résultat particulier, ni ne crée d’obstacle juridique à une résolution négociée.

Troisièmement, la conclusion selon laquelle nous ne reconnaîtrons plus les colonies de peuplement israéliennes comme incompatibles avec le droit international repose sur les faits, l’histoire et les circonstances uniques de l’établissement de colonies de peuplement civiles en Cisjordanie. Notre décision d’aujourd’hui ne préjuge pas des décisions juridiques concernant des situations dans d’autres parties du monde.

Et enfin – dire que l’établissement de colonies de peuplement civiles incompatible avec le droit international n’a pas fonctionné. Cela n’a pas fait avancer la cause de la paix.

La dure vérité est qu’il n’y aura jamais de solution judiciaire au conflit, et les arguments sur le fait de savoir qui a raison et qui a tort en droit international n’apporteront pas la paix. C’est un problème politique complexe qui ne peut être résolu que par des négociations entre Israéliens et Palestiniens.

Les États-Unis restent profondément déterminés à aider à faciliter la paix et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aider cette cause. Les États-Unis encouragent les Israéliens et les Palestiniens à régler le statut des colonies israéliennes en Cisjordanie lors de toute négociation sur le statut final.

De plus, nous encourageons les deux parties à trouver une solution qui favorise, protège la sécurité et le bien-être des Palestiniens et des Israéliens.
Et puis en répondant à une question:

Nous avons eu beaucoup de temps avec la politique, l’interprétation juridique annoncée aujourd’hui était l’inverse et cela n’a pas fonctionné. C’est un fait évident. Nous pensons que ce que nous avons fait aujourd’hui, c’est que nous avons reconnu la réalité sur le terrain. Nous avons maintenant déclaré que les colonies de peuplement n’étaient pas illégales en soi en vertu du droit international, et nous avons fourni l’espace même suggéré par votre question, l’espace même permettant à Israël et aux Palestiniens de s’unir pour trouver une solution politique à ce problème très contrariant. 

Nous pensons, en fait, que nous avons accru la probabilité que la vision de paix de cette administration ait été créée. Nous pensons que nous avons créé un espace pour que cela réussisse. »

 

* * *

 

« Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a affirmé, lundi, que les colonies israéliennes en Cisjordanie n'étaient pas "en soi contraires au droit international". Une déclaration saluée par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Les États-Unis ne considèrent plus que les colonies israéliennes en Cisjordanie
occupée sont "non-conformes" au droit international, a annoncé, lundi 18 novembre, le secrétaire d'État américain Mike Pompeo. Washington revient ainsi sur la position officielle affichée depuis 1978 par les États-Unis sur cette question.

"La formule est sinon maladroite, au moins inexacte", analyse Matthieu Mabin, correspondant de France 24 à Washington. "Cela ne sera pas sans poser une succession de questions juridiques. En dehors des vagues de contestation que cette déclaration va susciter, c’est la déclaration même de Mike Pompeo qui pose problème puisque, en réalité, la seule juridiction qui soit compétente pour s’exprimer au nom du droit international, c’est justement une juridiction internationale, mais pas le seul département d’État des États-Unis."

Une décision "irresponsable"

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est immédiatement réjoui de cette décision de l'administration de Donald Trump, qui "corrige une erreur historique", a-t-il affirmé.

Un porte-parole du président palestinien Mahmoud Abbas a jugé que l'initiative américaine était "en contradiction totale avec le droit international". Le négociateur palestinien Saeb Erekat a dénoncé une décision "irresponsable" et le chef de la diplomatie jordanienne a déclaré que ce changement de ligne de Washington aurait de "dangereuses conséquences".

L'Union européenne s'est aussi rapidement démarquée, en rappelant sa position "claire" et "inchangée" : "toute activité de colonisation est illégale au regard du droit international et compromet la viabilité de la solution à deux États et les perspectives d'une paix durable".

Aux États-Unis, la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, candidate à la Maison Blanche, a dénoncé le revirement américain, affirmant qu'elle l'annulerait si elle était élue. "Ces colonies ne violent pas seulement le droit international, elles rendent la paix plus difficile à réaliser", a-t-elle tweeté.

Une victoire pour Netanyahu

Cette décision américaine est une victoire pour Benjamin Netanyahu et pourrait l'aider dans sa quête compliquée d'un nouveau mandat à la tête du gouvernement israélien. Elle intervient alors que les États-Unis n'ont toujours pas dévoilé un plan de règlement du conflit israélo-palestinien qu'ils promettent depuis des mois... »6

Dans un communiqué commun daté du 20 novembre, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique et la Pologne, tous membres du Conseil de Sécurité de l'ONU, indiquent :

« Notre position sur la politique de colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, est claire et inchangée . Toute activité de colonisation est illégale au regard du droit international, et érode la viabilité d’une solution à deux États et la perspective d’une paix durable. […] Nous appelons Israël à mettre fin à toutes les activités de colonisation, conformément à ses obligations de puissance occupante

 

Pour Philippe Nassif, directeur du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International :

« Aujourd’hui, le gouvernement des États-Unis a annoncé au reste du monde qu’il pense que les États-Unis et Israël sont au-dessus des lois et qu’Israël peut continuer de violer le droit international et les droits fondamentaux des Palestiniens, les États-Unis lui apportant leur ferme soutien.

« Cette annonce ne modifie et ne modifiera pas la loi qui est tout à fait limpide : la construction et le maintien des colonies en Cisjordanie occupée, notamment à Jérusalem-Est, enfreignent le droit international et s’apparentent à des crimes de guerre. Toutefois, cela fait courir des risques accrus aux Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est, en donnant à Israël le feu vert pour poursuivre sa politique d’implantation et d’expansion des colonies qui se trouve au cœur de la crise des droits humains dans la région.

« L’annonce des États-Unis va à l’encontre du consensus international sur l’illégalité des colonies israéliennes, mais aussi de l’obligation légale qui incombe aux États-Unis de respecter et de faire respecter les Conventions de Genève.

« Nous n’avons pas peur de dire clairement et sans ambiguïté : aucune annonce des États-Unis ne peut modifier la loi et nous continuerons d’œuvrer afin que le droit international et les droits humains soient respectés et protégés, et que les auteurs présumés de violations soient amenés à rendre des comptes. »

 

Informations générales et contexte

La situation dans les territoires palestiniens occupés est principalement régie par deux régimes juridiques internationaux : le droit international humanitaire (notamment les règles du droit relatif à l’occupation) et le droit international relatif aux droits humains. Le droit pénal international s’applique également, car certaines violations graves sont susceptibles de constituer des crimes de guerre.

La politique israélienne qui consiste à installer ses civils dans les territoires palestiniens occupés et à déplacer la population locale viole les dispositions fondamentales du droit international humanitaire.

Tous les États parties à la Quatrième Convention de Genève, y compris Israël et les États-Unis, sont tenus de « veiller au respect » de la Convention. Cette obligation est largement interprétée comme nécessitant une action positive de la part des États individuels. Tous les États sont également tenus au titre du droit international coutumier de ne pas conférer de reconnaissance à une situation illégale, comme celle créée par les colonies israéliennes en Cisjordanie.

Amnesty International demande à Israël de cesser immédiatement toute activité de colonisation à titre de première mesure, en vue de démanteler toutes les colonies israéliennes et les infrastructures liées dans les territoires palestiniens occupés et de réinstaller les civils israéliens vivant dans ces colonies en dehors des territoires palestiniens occupés.

1 Environ 400 000 juifs sont installés en Cisjordanie Judée-Samarie et 200 000 à Jérusalem-Est

2 Le secrétaire d’État était alors Cyrus Vance. Lors d'une interview à NBC le 17 décembre 1978 il déclare : We have said with respect to the question of settlements that we consider this to be a fundamental issue and one in which we disagree with the government of Israel. We believe that the establishment of settlements is illegal

3 cf. la résolution 2334 du conseil de sécurité de l'ONU le 23 décembre 2016 pour laquelle les USA se sont abstenus, sans user de leur veto. Une première depuis la résolution n°465 du 1er mars 1980 sous Carter.

4 Reagan avait déclaré le 2 février 1981 : Les implantations ne sont pas illégales – pas selon les résolutions de l'ONU qui ouvrent la Cisjordanie aux deux peuples, les Arabes et le Juifs.

5 Le territoire a été occupé et annexé en 1948 par la Jordanie.Il est sous contrôle israélien depuis 1967, Jérusalem-est a été annexé en 1980 par Israël. En 1988, la Jordanie a abandonné tout droit sur la Cisjordanie. Le contrôle israélien est allégé depuis les accords d'Oslo 1993-1995 et le découpage en trois zones A, B et C.

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