Suites aux pogroms de Kichinev en Russie moldave, l'émotion est grande en Europe. Selon le New York Times,

" Les émeutes anti-juives de Kichinev, en Bessarabie, sont pires que ce que le censeur autorisera de publier. Il y a eu un plan bien préparé pour le massacre général des Juifs le jour suivant la Pâques russe. La foule était conduite par des prêtres, et le cri général, « Tuons les Juifs », s'élevait dans toute la ville. Les Juifs furent pris totalement par surprise et furent massacrés comme des moutons. Le nombre de morts s'élève à 120 [le chiffre réel est 49 ]et les blessés à environ 500. Les scènes d'horreur pendant le massacre sont indescriptibles. Les bébés furent littéralement déchiquetés par la foule frénétique et assoiffée de sang. La police locale ne fit aucune tentative pour arrêter le règne de la terreur. Au coucher du soleil, des piles de cadavres et de blessés jonchaient les rues. Ceux qui purent échapper au massacre se sont sauvés, et la ville est maintenant pratiquement vidée de ses juifs. 1

Ce pogrom comme ceux qui suivent en 1904, 1905, 1906 donne une impulsion forte à l'émigration des Juifs d'Europe vers d'autres cieux, notamment palestiniens.

De son coté, le gouvernement britannique par la voix de son secrétaire d'État aux colonies Joseph Chamberlain propose en 1903 à Theodor Herzl de donner à l’Organisation sioniste mondiale (OSM) une partie de sa colonie de l'Ouganda, pour y créer un Foyer national juif. D'une superficie de 8 000 km2, le plateau de Mau (actuellement situé au Kenya) est doté d'un climat tempéré.

Herzl réunit à Bâle, en août 1903, un VIe Congrès sioniste et annonce aux délégués : «J'ai une grande surprise pour vous : Sa Majesté, le souverain de l'Empire britannique, vous offre un cadeau, l'Ouganda !»

Le congrès qui doit se prononcer sur la proposition britannique, hésite, les perspectives palestiniennes semblant très éloignées et l'empire ottoman toujours solide. Néanmoins, Herzl invite le congrès à réfléchir sérieusement à l'ouverture britannique pour  fuir l’antisémitisme et la violence, jusqu’à ce que le rêve d’un foyer en Palestine puisse être atteint.

Max Nordau lance aux délégués : «Nous avons besoin d'un asile de nuit, lieu de repos pour les persécutés»(*).

Les «sionistes» convaincus fulminent. Ils ne veulent rien d'autre que la Palestine. Mais ils se retrouvent en minorité face à une majorité de «territorialistes» prêts à accepter l'offre britannique.

Le mouvement fait scission. Les sionistes poursuivent non sans mal la colonisation de la Palestine cependant que les territorialistes étudient après l'Ouganda d'autres territoires tout aussi invraisemblables avant de rejoindre enfin les sionistes.

Un comité est créé pour examiner la proposition et une délégation est même envoyée sur place. Elle constate, que le plateau de Mau quoique habitable comporte une faune dangereuse, et surtout qu'il est déjà peuplé par les Masaïs.

Au 7ème congrès, réuni en 1905, toute option autre que palestinienne est définitivement écartée.

Une poignée de familles juives, venues de Pologne et de Russie, fuyant les pogroms, prit cependant la route du Kenya à partir de 1904. Selon la synagogue de Nairobi, qui a fêté en 2012 son centenaire, la communauté compterait aujourd’hui autour de 150 membres, formant un petit concentré de diaspora, venant d’Europe de l’Est, du Maroc, de Grande-Bretagne, mais aussi d’Inde, d’Afrique du Sud ou d’Irak.2

1 "Jewish Massacre Denounced", New York Times, 28 avril 1903, p 6 cité in Wikipedia

2 Le Monde, 28/08/2015 : 1903, l’année où les Juifs veulent créer Israël… au Kenya

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