Actes du colloque 2018 sur la place des femmes pendant la seconde guerre mondiale

[ télécharger / imprimer le rapport complet ]

 

Il est juste que le Sénat contribue à mettre en valeur le rôle des femmes à l’effort de guerre : c’est un aspect important de l’histoire de la Première Guerre. Elles ont accompli cet effort, intense et essentiel, dès 1914 lors des moissons, puis dans les usines à partir de 1915, ainsi que dans le quotidien des familles. Un monument en hommage aux femmes du monde rural, inauguré à Verdun en juin 2016, rend ainsi hommage au labeur des femmes pendant les deux guerres mondiales - ces guerres qu’on espère les dernières, même si la situation actuelle a de quoi inquiéter. Cette sculpture fait mémoire de leur contribution, si souvent oubliée, apportée à la Nation avec courage et sans jamais se plaindre, durant ces temps de guerre.


Les témoignages iconographiques de cette époque reflètent deux images du rôle des femmes pendant le premier conflit mondial : la figure féminine maternelle et rassurante de l’infirmière, de la mère ou de la fiancée ; et celle de la femme au travail ayant repris le flambeau des hommes dans les activités économiques. C’est cette réalité complexe qui caractérise la condition des femmes durant les années de guerre. Les femmes sont alors à la fois dans l’attente et dans l’action.
Elles attendent, elles espèrent des nouvelles de leur fils, de leur fiancé, de leur mari mobilisés sur le front. Elles en redoutent aussi la blessure ou la mort, cette terrible nouvelle qui était portée par les maires aux familles.


L’absence de la figure masculine se perpétue au-delà de la fin de la guerre. Trois millions de veuves, six millions d’orphelins : ces chiffres se passent de commentaire.


La guerre fait massivement appel aux femmes pour soigner les blessés. Ce sont ainsi plus de 100 000 infirmières - religieuses, salariées, bénévoles - qui s’engagent à l’arrière du front. Je songe à la figure emblématique de Marie Curie… Elles y côtoient les horreurs de la guerre, les corps mutilés, les âmes blessées. Elles font preuve d’une exceptionnelle abnégation. Par leur présence et leur engagement auprès des soldats meurtris par les combats, elles servent leur pays, apportant la lumière d’une humanité irremplaçable, comme les actrices et les chanteuses du théâtre de guerre, de Sarah Bernhardt à Nine Pinson1, apportent aux soldats un peu de joie.
La guerre redéfinit les rôles de chacun au sein de la société. Aux hommes la guerre, aux femmes le rôle de chef de famille. Cette nouvelle répartition se traduit sur un plan législatif, avec la loi du 3 juin 1915 qui permet à la mère de disposer de l’autorité du père absent pour la durée du conflit.
Dans les campagnes, elles assurent la gestion des exploitations agricoles. Dans les villes, elles exercent des métiers auparavant exclusivement destinés aux hommes. Elles deviennent conductrices de tramways, aiguilleuses de chemin de fer, chauffeurs de taxi… Dans ma ville de Rambouillet, elles fabriquaient et remplissaient des caisses de munitions destinées au front.


Elles prennent aussi une part active dans les mouvements sociaux jusqu’à la fin du conflit.


Le président du Conseil, René Viviani, lance dès le 6 août 1914 un appel aux femmes françaises : « Debout, femmes françaises, jeunes enfants, filles et fils de la patrie. Remplacez sur le champ de travail ceux qui sont sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer, demain, la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés ! Il n’y a pas dans ces heures graves de labeur infime : tout est grand qui sert le pays ».


Vous avez également souhaité montrer que la résistance contre l’occupant n’est pas spécifique à la Seconde Guerre mondiale et qu’au cours du premier conflit mondial, les femmes contribuent de façon décisive à la résistance contre l’ennemi. Pourtant leur héroïsme est rarement mis en avant. C’est pourquoi vous avez choisi d’évoquer une page méconnue de notre histoire : la vie dans les territoires occupés pendant la Première Guerre.


Cette séquence soulignera l’héroïsme de femmes telles que Louise de Bettignies, héroïne de la résistance contre l’occupant dans le Nord, arrêtée en 1915 et condamnée à mort, puis à la détention à perpétuité dans la forteresse de Siegburg, où elle meurt quelques semaines avant le 11 novembre 1918. Le conservateur du musée de l’Ordre de la Libération présentera la vie d’Émilienne Moreau qui, héroïne de la Première Guerre et résistante contre l’occupant allemand, devient après la Seconde Guerre l’une des six femmes Compagnons de la Libération.


Le colloque n’aborde pas tous les aspects de la place et du rôle des femmes dans la Première Guerre. Vous avez délibérément choisi de sélectionner des thèmes faisant écho à de précédents travaux de la délégation aux droits des femmes : le travail des femmes, plus particulièrement dans l’agriculture, les viols de guerre, les femmes dans armées françaises.


Le président de la République Raymond Poincaré, dans un hommage aux héros de la guerre, place de la Concorde, après le 11 novembre 1918, proclama « honneur aux mères qui n’embrasseront plus leur fils, honneur aux femmes qui cherchent sur les champs de bataille la tombe de leur mari ». Il leur était pourtant demandé de laisser les emplois aux hommes revenus du front ! Et si des propositions de loi furent adoptées par la Chambre des députés pour accorder le droit de vote aux femmes, ces textes furent rejetés par le Sénat - il faut le dire, même si certains ont fait remarquer que les députés votaient cette disposition en sachant qu’elle serait bloquée dans l’autre assemblée… Il fallut attendre 1944 et le général de Gaulle pour que les femmes aient le droit de voter. La loi retira même leur pension de veuve aux femmes qui se remariaient : c’est un fait à méditer aujourd’hui…


Cette journée est aussi l’occasion d’aborder des thèmes d’actualité. Ainsi, vous avez souhaité terminer ce colloque par une table ronde associant quatre femmes militaires engagées dans les armées. M’étant rendu à N’Djamena il y a quelques mois, je profite de l’occasion pour saluer nos forces.


Cette séquence n’est pas sans lien avec le travail qu’a conduit la délégation en 2015 avec la publication d’un rapport sur la féminisation de nos forces armées.
Ces femmes militaires conviées aujourd’hui répondront aux exposés des historiens en faisant part de leur propre expérience dans des opérations extérieures. Il sera intéressant d’entendre la réaction d’une femme officier, médecin en chef du Service de santé des armées, à l’exposé d’une historienne sur les infirmières ou « anges blancs »

 

AVANT-PROPOS ................ 5


PROGRAMME ................... 9


OUVERTURE DU COLLOQUE PAR GÉRARD LARCHER, PRÉSIDENT DU SÉNAT ............................... 13


PRÉSENTATION PAR ANNICK BILLON, PRÉSIDENTE DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ............... 19


INTRODUCTION PAR FRANÇOISE THÉBAUD, PROFESSEURE ÉMÉRITE D’HISTOIRE CONTEMPORAINE ............ 23


PREMIÈRE SÉQUENCE – LA MOBILISATION VOLONTAIRE DES FEMMES : VERS L’ÉMANCIPATION ? ................. 29

Animée par Laure Darcos, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes ; interventions d'Évelyne Morin-Rotureau, Christine Delpous-Darnige et Françoise Thébaud

DEUXIÈME SÉQUENCE – L’INTIME ET LA GUERRE ......................................................................... 51
Animée par Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes ; interventions de Clémentine Vidal-Naquet, Jean-Yves Le Naour et Fabrice Cahen


TROISIÈME SÉQUENCE – LA RÉSISTANCE DES FEMMES DANS LES TERRITOIRES OCCUPÉS ............ 75

Animée par Alya Aglan, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Panthéon-Sorbonne - Paris 1 ; interventions de Marie-France Devouge, Isabelle Vahé et Vladimir Trouplin


QUATRIÈME SÉQUENCE – LES FEMMES AU FRONT ..................................... 97
Animée par Rose-Marie Antoine, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) ; interventions de Jean-Pierre Verney, Chantal Antier et Évelyne Diebolt

TABLE RONDE : LES FEMMES ET LA GUERRE AUJOURD’HUI .................................. 113
Animée par Rose-Marie Antoine, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) et introduite par Claude Weber, sociologue, maître de conférences en sociologie aux Écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan

CONCLUSION PAR ANNICK BILLON, PRÉSIDENTE DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ................................ 141

ANNEXES ................................ 145
Présentation des intervenants ... 147

Audition par la délégation aux droits des femmes de Françoise Thébaud, historienne, professeure émérite à l’université d’Avignon (5 avril 2018) ........... 157

Présentation des dessins d’enfants issus des collections du musée de Montmartre réalisés pendant la guerre par des écoliers du XVIIIe arrondissement de Paris –

Reproductions des dessins projetés pendant le colloque .................. 181

Commentaires des oeuvres des peintres Lucien Simon et Maurice Denis citées par Françoise Thébaud pendant la première séquence du colloque ......... 186

Liste des documents projetés pendant le colloque - Reproductions de certains documents .......... 190

Annie de Pène, une journaliste au coeur de la Grande Guerre : un ouvrage de Dominique Bréchemier, professeure de lettres, docteure en littérature ...... 197

 

 

Comments powered by CComment