L'Afrique du sud a saisi en décembre 2023 la Cour internationale de Justice pour qu'elle statue sur l'accusation de Génocide contre Israël. L'Afrique du Sud prie la Cour de reconnaitre qu'Israël est en train de commettre un génocide à Gaza dans la guerre qu'il l'oppose au Hamas et dans sa recherche des otages dans la bande de Gaza.
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Extrait de l'ordonnance
Au terme de sa requête, l’Afrique du Sud
« prie respectueusement la Cour de dire et juger que :
1) la République sud-africaine et l’État d’Israël sont tous deux tenus d’agir conformément à l’obligation que leur fait la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de prendre, en ce qui concerne les membres du groupe des Palestiniens, toutes les mesures raisonnables en leur pouvoir pour prévenir un génocide ;
et que 2) l’État d’Israël :
a) a manqué et continue de manquer aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, notamment celles énoncées à l’article premier, lu conjointement avec l’article II, aux litt. a), b), c), d) et e) de l’article III, et aux articles IV, V et VI ;
b) doit immédiatement mettre fin à tout acte et toute mesure emportant manquement à ces obligations, notamment les actes ou mesures susceptibles de causer ou continuer de causer le meurtre de Palestiniens, de porter ou continuer de porter une grave atteinte à l’intégrité physique ou mentale de Palestiniens, ou de constituer ou continuer de constituer une soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, et doit respecter pleinement les obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, en particulier celles énoncées à l’article premier, aux litt. a), b), c), d) et e) de l’article III et aux articles IV, V et VI ;
c) doit s’assurer que les personnes commettant des actes tels que le génocide, l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe et publique à commettre le génocide, la tentative de génocide et la complicité dans le génocide en violation de l’article premier et des litt. a), b), c), d) et e) de l’article III soient punies par une juridiction nationale ou internationale compétente, comme requis aux articles premier, IV, V et VI ;
d) à cette fin, et pour donner effet auxdites obligations découlant des articles premier, IV, V et VI, doit recueillir et conserver, et faire en sorte, permettre ou ne pas empêcher, directement ou indirectement, que soient recueillis et conservés, les éléments de preuve relatifs à des actes génocidaires commis contre les Palestiniens de Gaza, y compris les membres de ce groupe qui ont été déplacés de Gaza ;
e) doit satisfaire à ses obligations de réparation en faveur des victimes palestiniennes, notamment, mais pas seulement, en permettant le retour dans leurs foyers, en toute sécurité et dans la dignité, des Palestiniens déplacés de force ou enlevés, en respectant pleinement leurs droits de l’homme et en les protégeant contre tout nouvel acte de discrimination, persécution et autres actes connexes, et faire le nécessaire pour reconstruire ce qu’il a détruit à Gaza, conformément à l’obligation d’empêcher le génocide énoncée à l’article premier ;
et f) doit offrir des assurances et des garanties de non-répétition des violations de la convention sur le génocide, en particulier en ce qui concerne les obligations énoncées à l’article premier, aux litt. a), b), c), d) et e) de l’article III et aux articles IV, V et VI. »
5. Au terme de sa demande, l’Afrique du Sud priait la Cour d’indiquer les mesures conservatoires suivantes :
1) L’État d’Israël doit suspendre immédiatement ses opérations militaires à et contre Gaza.
2) L’État d’Israël doit veiller à ce qu’aucune unité militaire ou unité armée irrégulière qui agirait sous sa direction, avec son appui ou sous son influence, ainsi qu’aucune organisation ou personne qui se trouverait sous son contrôle, sa direction ou son influence, n’entreprenne une quelconque action visant à poursuivre les opérations militaires mentionnées au point 1) ci-dessus.
3) La République sud-africaine et l’État d’Israël doivent, conformément aux obligations que leur fait la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre chacun, en ce qui concerne le peuple palestinien, toutes les mesures raisonnables en leur pouvoir pour prévenir le génocide.
4) L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en ce qui concerne le peuple palestinien en tant que groupe protégé par ladite convention, s’abstenir de commettre l’un quelconque des actes visés à l’article II de la convention, en particulier : a) le meurtre de membres du groupe ; b) les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et d) les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe.
5) L’État d’Israël doit, en application du point 4) c) ci-dessus, en ce qui concerne les Palestiniens, s’abstenir de commettre l’un quelconque des actes ci-après, et prendre toutes les mesures en son pouvoir pour en prévenir la commission, y compris l’annulation des ordres et mesures de restriction ou d’interdiction pertinents :
a) expulser les populations de chez elles et les déplacer de force ;
b) priver les populations : i) d’un accès approprié à l’eau et à la nourriture ; ii) d’un accès à l’aide humanitaire, notamment en ce qui concerne les besoins en combustible, abris, vêtements, hygiène et assainissement ; iii) d’une assistance et de fournitures médicales ;
et c) détruire la vie palestinienne à Gaza.
6) L’État d’Israël doit, en ce qui concerne les Palestiniens, veiller à ce qu’aucune de ses unités militaires, aucune unité armée irrégulière ou personne qui agirait sous sa direction, avec son appui ou en étant d’une autre manière influencée par lui, et aucune organisation ou personne qui se trouverait sous son contrôle, sa direction ou son influence ne commette l’un quelconque des actes visés aux points 4) et 5) ci-dessus ou ne se livre à un quelconque acte constitutif d’incitation directe et publique à commettre le génocide, d’entente en vue de commettre le génocide, de tentative de génocide ou de complicité dans le génocide, et veiller à ce que, si de tels actes sont commis, des mesures soient prises pour en punir les auteurs, conformément aux articles premier, II, III et IV de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
7) L’État d’Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes relevant de l’article II de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ; à cette fin, il doit s’abstenir de refuser ou de restreindre l’accès à Gaza des missions d’établissement des faits, des titulaires de mandats internationaux et d’autres organismes chargés d’aider à la protection et à la conservation desdits éléments de preuve.
8) L’État d’Israël doit soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires, dans un délai d’une semaine à compter de la date de celle-ci, puis à intervalles réguliers, tels que fixés par la Cour, jusqu’à ce qu’une décision ait été définitivement rendue en l’affaire.
9) L’État d’Israël doit s’abstenir de commettre, et faire en sorte de prévenir, tout acte susceptible d’aggraver ou d’étendre le différend porté devant la Cour ou d’en rendre le règlement plus difficile. »
Ordonnance de la Cour
VI. CONCLUSION ET MESURES À ADOPTER
75. La Cour conclut, compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, que les conditions auxquelles son Statut subordonne l’indication de mesures conservatoires sont réunies. Il y a donc lieu pour elle d’indiquer, dans l’attente de sa décision définitive, certaines mesures visant à protéger les droits revendiqués par l’Afrique du Sud qu’elle a jugés plausibles (voir le paragraphe 54 ci-dessus).
76. La Cour rappelle que, lorsqu’une demande en indication de mesures conservatoires lui est présentée, elle a le pouvoir, en vertu de son Statut, d’indiquer des mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées. Le paragraphe 2 de l’article 75 du Règlement mentionne expressément ce pouvoir de la Cour, qu’elle a déjà exercé en plusieurs occasions par le passé (voir, par exemple, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 28, par. 77).
77. En la présente espèce, ayant examiné le libellé des mesures conservatoires demandées par l’Afrique du Sud ainsi que les circonstances de l’affaire, la Cour estime que les mesures à indiquer n’ont pas à être identiques à celles qui sont sollicitées.
78. La Cour considère que, s’agissant de la situation décrite précédemment, Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention sur le génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants : a) meurtre de membres du groupe, b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, et d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe. La Cour rappelle que de tels actes entrent dans le champ d’application de l’article II de la convention lorsqu’ils sont commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe comme tel (voir le paragraphe 44 ci-dessus). La Cour considère également qu’Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés ci-dessus.
79. La Cour considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza.
80. En outre, la Cour est d’avis qu’Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza.
81. Israël doit aussi prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention sur le génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza.
82. S’agissant de la mesure conservatoire sollicitée par l’Afrique du Sud tendant à ce qu’Israël lui soumette un rapport sur toutes les mesures qu’il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance, la Cour rappelle qu’elle a, comme cela est reflété à l’article 78 de son Règlement, le pouvoir de demander aux parties des renseignements sur toutes questions relatives à la mise en oeuvre de mesures conservatoires indiquées par elle. Au vu des mesures spécifiques qu’elle a décidé d’indiquer, elle estime qu’Israël doit lui fournir un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour exécuter la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de celle-ci. Le rapport ainsi fourni sera ensuite communiqué à l’Afrique du Sud, qui aura la possibilité de soumettre à la Cour ses observations à son sujet.
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83. La Cour rappelle que ses ordonnances indiquant des mesures conservatoires au titre de l’article 41 du Statut ont un caractère obligatoire et créent donc des obligations juridiques internationales pour toute partie à laquelle ces mesures sont adressées (Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, C.I.J. Recueil 2022 (I), p. 230, par. 84).
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84. La Cour réaffirme que la décision rendue en la présente procédure ne préjuge en rien la question de sa compétence pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune question relative à la recevabilité de la requête ou au fond lui-même. Elle laisse intact le droit des Gouvernements de la République sud-africaine et de l’État d’Israël de faire valoir leurs moyens en ces matières. * * *
85. La Cour estime nécessaire de souligner que toutes les parties au conflit dans la bande de Gaza sont liées par le droit international humanitaire. Elle est gravement préoccupée par le sort des personnes enlevées pendant l’attaque en Israël le 7 octobre 2023 et détenues depuis lors par le Hamas et d’autres groupes armés et appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de ces otages.
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86. Par ces motifs, LA COUR, Indique les mesures conservatoires suivantes :
1) Par quinze voix contre deux,
L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention, en particulier les actes suivants :
a) meurtre de membres du groupe ;
b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
et d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; M. Moseneke, juge ad hoc ; CONTRE : Mme Sebutinde, juge ; M. Barak, juge ad hoc ;
2) Par quinze voix contre deux,
L’État d’Israël doit veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés au point 1 ci-dessus ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; M. Moseneke, juge ad hoc ;
CONTRE : Mme Sebutinde, juge ; M. Barak, juge ad hoc ;
3) Par seize voix contre une, L’État d’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; MM. Barak, Moseneke, juges ad hoc ;
CONTRE : Mme Sebutinde, juge ;
4) Par seize voix contre une,
L’État d’Israël doit prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; MM. Barak, Moseneke, juges ad hoc ;
CONTRE : Mme Sebutinde, juge ;
5) Par quinze voix contre deux,
L’État d’Israël doit prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; M. Moseneke, juge ad hoc ;
CONTRE : Mme Sebutinde, juge ; M. Barak, juge ad hoc ;
6) Par quinze voix contre deux,
L’État d’Israël doit soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de celle-ci.
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Tomka, Abraham, Bennouna, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Robinson, Salam, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, M. Brant, juges ; M. Moseneke, juge ad hoc ;
CONTRE : Mme Sebutinde, juge ; M. Barak, juge ad hoc.
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le vingt-six janvier deux mille vingt-quatre
La présidente, (Signé) Joan E. DONOGHUE.
Le greffier, (Signé) Philippe GAUTIER.
Mme la juge XUE joint une déclaration à l’ordonnance ;
Mme la juge SEBUTINDE joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente ;
MM. les juges BHANDARI et NOLTE joignent des déclarations à l’ordonnance ;
M. le juge ad hoc BARAK joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion individuelle. (Paraphé) J.E.D. (Paraphé) Ph.G.
La présidente, (Signé) Joan E. DONOGHUE.
Le greffier, (Signé) Philippe GAUTIER.