Toute guerre entraine son lot de réfugiés et celle de 1948 n’a pas dérogé à cette règle. Néanmoins, la controverse sur la cause réelle du départ des populations arabes de Palestine, outre ce contexte de guerre, fait rage depuis 75 ans. Sont-ils partis, expulsés par les Israéliens qui ont mis en œuvre un plan préétabli ? Ou ont-il répondu à un appel des dirigeants arabes leur demandant de faire place nette le temps de reconquérir la Palestine et les réinstaller ? Ou est-ce un mix des deux, la peur alliée à l’assurance de revenir. Les historiens s’affrontent et les références s’alignent En voici quelques unes.

Pour Benny Morris1, « il n’y a pas eu de messages radiodiffusés arabes pressant les Arabes de fuir en masse ; en fait, il y a eu des messages diffusés par plusieurs stations de radio arabes les appelant à rester sur place. Mais, au niveau local, dans des dizaines de localités de Palestine, des dirigeants arabes conseillèrent, ou ordonnèrent l’évacuation de femmes et d’enfants, ou de communautés entières, comme cela se produisit à Haïfa, fin avril 1948. Le 22 avril, le maire de Haïfa, Shabtai Lévy, parlementa avec eux pour qu’ils restent, sans résultat. »

Le même Benny Morris écrit aussi : « Un État juif n’aurait pas pu être créé sans déraciner 700 000 palestiniens. Par conséquent il était nécessaire de les déraciner. Il n’y avait pas d’autre choix que d’expulser cette population. »2

Pour l'historien palestinien Walid Khalidi, «  Un des thèmes favoris était celui de la propagation de maladies côté arabe. Le 18 février, Radio Haganah annonçait que des cas de variole avaient été décelés à Jaffa, suite à l'arrivée des Syriens et des Irakiens. Le même jour, elle révélait que parmi les morts et les blessés arabes, tombés au combat, plusieurs étaient atteints de "maladies contagieuses « .3

Selon l'ancien Premier ministre syrien (en 1949) Khaled Al-Azam, «  Nous avons appelé le malheur sur les réfugiés en leur demandant de quitter leurs foyers »4

Le 15 mai 1948 le Premier Ministre d’Irak déclara à la presse à Bagdad : «  Nous écraserons le pays avec nos fusils et nous détruirons tout lieu où les Juifs chercheront refuge. Les Arabes devront emmener leurs femmes et leurs enfants à l’abri pendant le danger, après quoi toute la Palestine sera à eux. »

Les 18 et 24 mars 1948, le recteur de l’université d'Al-Azhar au Caire déclara : «  Nous jetterons à la mer les bandes de sionistes criminelles et il ne restera plus ainsi un seul juif en Palestine. Pour que nos armées victorieuses puissent accomplir leur mission sacrée sans s’exposer à faire des victimes parmi nos frères arabes, il faut que ceux-ci quittent provisoirement le pays, afin que nos combattants exercent, dans une liberté totale, l’œuvre d’extermination. »

Le 16 mai 1948, le haut commandement des volontaires arabes pour la libération de la Palestine lance cet appel à Radio Le Caire : «  Frères arabes de Palestine, nos armées libéreront en quelques jours le territoire sacré profané par les bandes criminelles athées. Afin que les Juifs, mille fois maudits par Allah, ne se vengent pas sur vous avant leur anéantissement total, nous vous invitons à être nos hôtes. Les Arabes vous ouvrent leurs foyers et leurs cœurs. Nous vaincrons les infidèles, nous écraserons les vipères. Votre patrie, purifiée par vos frères, vous accueillera à nouveau dans la joie et l’allégresse. »5 

1 Israel and the Palestinians, in Irish Times du 21/02/2008

2 Interview le 8 janvier 2004 par Arie Shavit pour Haaretz lors de la parution de son livre : the birth of the palestinian Refugee problem cité notamment par Dominique Vidal in Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947 - 1949)

3 Extrait de Plan Dalet : Master Plan for the Conquest of Palestine in La Nakba, émission France culture, Maïwen Bordon, 15/05/2018

4 Mémoires, cité in Israël peut-il survivre, Michel Gurfinkel, ed Hugo&Cie p102.

5 Texte cité par M. KONOPNICKI et S. PETERMAN dans « Le processus de paix au Moyen Orient », Que sais-je, p. 77.