La Palestine n'était pas jusque là le sujet d'un nationalisme fievreux qu'elle est devenue.

Sous les Ottomans, la Palestine n’a aucune réalité politique et administrative. L’usage du mot «Palestine» tombe effectivement en désuétude à partir des croisades et disparaît complètement de l’usage administratif après la reconquête musulmane.... Au début du xixe siècle, c’est Acre qui joue le rôle de capitale politique et économique de la région. Ainsi, la Ville sainte ne se distingue pas particulièrement d’autres villes. En d’autres termes, le pouvoir ottoman ne lui accorde pas plus d’importance qu’à une autre.1

Si nationalisme il y a, il est encore arabe, ou syrien (la grande Syrie incluant la Palestine). Mais à compter de 1936, la montée du sentiment national palestinien se substitue au nationalisme arabe sur le territoire jusqu'à son éclosion en 1967.

Le soulèvement de 1936 trouve sa cause dans l'opposition des Arabes de Palestine à l'immigration juive et à la déclaration Balfour de Novembre 1917.

Le 15 avril 1936, des extrémistes arabes tendent une embuscade à un autocar sur la route qui relie Tulkarem à Naplouse. Ils tuent deux Juifs et en blessent un troisième. Le lendemain, un groupe de juifs radicaux se venge en assassinant les deux occupants d'une cabane d'un fermier arabe, près de Petah Tikva.

Trois jours plus tard, neuf Juifs sont abattus vers la ville de Jaffa. Les autorités britanniques décrètent immédiatement l’état d’urgence et imposent un couvre-feu. Cependant, les violences s’intensifient et une grève générale s’organise dans tout le pays. Les produits anglais et sionistes sont également boycottés. Le 25 avril, les différents partis nationalistes forment un comité suprême présidé par le grand mufti de Jérusalem, Amin al-Husseini (1895-1974).

Après un mois de grève , les Arabes annoncent qu'il cessent de payer leurs impôts. Enfin l'insurrection armée s'amplifie visant les Juifs et les infrastructures (trains, pipeline) . 20 000 soldats britanniques sont alors appelés en renfort aux 14 500 soldats déjà sur place pour rétablir l'ordre.

Le général Dill, qui fut un temps commandant en chef de l'armée britannique en Palestine mandataire, un peu inquiet (et sarcastique) sur la suite des relations entre juifs et arabes sur le territoire, écrit : Que la noble race couche avec le peuple élu pendant un laps de temps, j'en doute fort.2

Alors que Dill voulait imposer la loi martiale, le haut-commissaire Whauchope obtient du mufti la cessation de la grève et l'arrêt des violences contre la création d'une commission royale. Le mufti accepte le 9 octobre 1936.

La commission conduite par Lord Peel commence ses travaux le 11 novembre 1936. Mais malgré un apaisement temporaire lors des travaux le soulèvement ne s'éteint pas. La révolte arabe se poursuit jusqu'en mars 1939.

La population juive, qui jusque là adoptait la havlagah, politique de retenue, répond aux agressions arabes à partir de 1938.

Des soldats britanniques arrêtent des insurgés arabes à Jérusalem

Plus de 5 000 arabes, 300 juifs et 262 Britanniques trouvent la mort dans la révolte arabe. La plupart des leaders nationalistes ayant participé à la révolte se réfugient dans les pays arabes voisins. Amin al-Husseini fuit au Liban, participe en 1941 au soulèvement anti-britannique irakien et finit par se réfugier en Italie et en Allemagne nazie (c'est un admirateur d'Hitler qu'il rencontre à deux reprises ) dans l'espoir d'obtenir auprès d'elles l'indépendance des États arabes.

A l'issue de cette révolte qui ne finit qu'en mars 1939, les Britanniques ont condamné à mort 120 arabes et en ont pendu 40.

Le Livre blanc de 1939 sera la réponse politique des Britanniques au soulèvement.

Les Juifs se posent la question de l'impossibilité d'une cohabitation avec les Arabes dès 1936. C'est le cas du dirigeant exécutif de l'Organisation sioniste mondiale Menahem Ussishkin (1863-1941) qui écrit alors :

Je voudrais vraiment que les Arabes partent vers l'Irak. Et j'espère qu'un jour, ils partiront là-bas car les conditions agricoles sont meilleurses en Irak que sur la terre d'Israël, en raison de la qualité du sol. Ensuite, ils seraient dans un État arabe et non dans un État juif. Nous n'arrivons pas à les déloger de là-bas [la Palestine]. Pas seulement parce que nous ne le pouvons pas..mais parce qu'aujourd'hui ils n'accepteraient pas cela. Aujourd'hui nous pouvons demander d'inclure la Transjordanie à la terre d'Israël à condition que la Transjordanie soit mise à disposition pour la colonisation juive ou pour installer les Arabes dont les terres en Palestine seraient achetées. […] Ceci est le problème de la terre.

Maintenant les Arabes ne veulent pas car nous voulons devenir leurs dirigeants. Je me battrai pour cela. Je m'assurerai que nous serons les propriétaires de cette terre. Car ce pays nous appartient et pas à eux. […] Et il n'y a pas de d'autre moyen que de transférer les Arabes vers les pays voisins, de les transférer tous ; pas un village, pas une tribu ne doit rester. 3

A cette époque le souvenir des échanges de population intervenus en 1923 entre la Grèce et la Turquie, suite au traité de Lausanne, est toujours présent (il le cite d'ailleurs dans un passage) et pas forcément anormal. Un million et demi de chrétiens d’Anatolie et de Thrace orientale sont ainsi chassés de chez eux et doivent gagner la Grèce tandis que 500 000 musulmans de Macédoine et d’Épire quittent la Grèce et s’installent en Turquie. L'Europe et une partie de l'Asie verront ces déplacements massifs jusqu'au début des années 50.

1 Le statut de Jérusalem de 1949 à 1967, Olivier Danino, Cahiers de la Méditerranée, juin 2013

218 septembre 1936, lettre à Cyril Deverell

3 L'histoire occultée des Palestiniens. Sandrine Mansour-Derien, ed Privat.